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Certains week-ends ensoleillés, un camion Mitsubishi jaune circule dans les rues de Paris. En le croisant, des passants s’arrêtent subitement pour danser, échanger un sourire, s’agripper au véhicule. Dans le quartier de Strasbourg-Saint-Denis (Paris 10e), une « block party » s’improvise devant le restaurant KFC du quartier. A Fleury-Mérogis (Essonne), lorsque le camion fait un arrêt devant la prison, des détenus hurlent de joie, tapent contre les barreaux de leur cellule.
Emmanuel Maizeret, qui se fait appeler « Daddy Reggae », est l’artisan de ces moments festifs impromptus. En 2014, il a fait de son camion de déménagement un char de musique ambulante, en installant un sound system à l’arrière et un tourne-disque à l’avant. Comme lui, des particuliers ou des associations transforment leur véhicule en caravane itinérante, en ville, en banlieue, à la campagne, dans des lieux où l’offre culturelle est dense, dans des territoires où elle l’est moins. Et tentent de sortir la culture de son cadre institutionnel.
C’est le cas également de Thierry Zo’Okomo Ndinda. En 2018, ce musicien strasbourgeois achète un vieux fourgon Peugeot et l’aménage en salle de classe musicale. « On voulait un outil capable d’aller à la rencontre des gens dans leur milieu de vie habituel », dit-il. Depuis, le directeur de l’association Espace Jalmik initie des jeunes à la pratique d’instruments de musique. Tous les étés, la caravane s’installe une semaine au cœur d’une zone d’habitation autour de Strasbourg. Et cible en priorité les quartiers populaires. Des mégaphones annoncent son arrivée. « Au début, les enfants nous prenaient pour des vendeurs de glaces. On leur répondait : “Non, mon ami, on ne vend pas de glaces, on vend de la musique gratuitement” », sourit le directeur de l’association.
Des musiciens professionnels et des bénévoles font découvrir aux curieux le piano, le violon, la guitare, la flûte des Indes, le oud ou le balafon. La caravane déniche des jeunes talents, suscite quelquefois des vocations. « Un petit génie du piano est venu dans le Musikérium [surnom de la caravane]. Mais l’année suivante, sa mère lui a interdit de revenir, car elle assimilait la musique à un truc de voyou. On l’a finalement convaincue de faire revenir son fils », raconte Thierry Zo’Okomo Ndinda. « Les gamins pensent qu’il n’y a que du rap. Ils nous réclament du Jul [rappeur marseillais]. Mais on veut aussi leur faire découvrir du Mozart, du Michael Jackson et du Stevie Wonder. »
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